L'émergence des Smartphones et des tablettes dans la vie de nos élèves et parfois de nos collègues nous pousse à nous interroger. Force est de constater que ces outils numériques font désormais parti de leur univers et se déploient rapidement dans le monde professionnel.
Dès lors deux attitudes sont possibles ; la première consiste à refuser ces outils et s’accrocher à nos pratiques usuelles. La seconde consiste à garder l’esprit ouvert et à s'approprier ces outils très attractifs pour les jeunes pour, d'une façon pragmatique, saisir dans quelle mesure ils peuvent infuser nos pratiques techniques et pédagogiques et diffuser leur pouvoir dans l'industrie.
Afin d’explorer les possibilités que nous offre l’accès aux Smartphones et aux tablettes numériques, nous avons choisis de tenter un certain nombre d’expériences techniques et pédagogiques.
Expérimentation n°1 :
Dans le cadre du projet d'établissement Eco-label et dans le but de réduire la quantité de papier utilisé dans l'enseignement technique, nous avons fait le choix de dématérialiser et de mettre en ligne les procédures de mise en œuvre des machines de notre atelier et de les rendre accessible par flash code.
Cette démarche ayant été une réussite technique et accueillie favorablement par tous, nous comptons l’étendre en donnant accès à des fiches de cours et du contenu multimédia.
Expérimentation n°2 :
En relation avec le projet Handiflex (Inclusion scolaire de jeunes présentant un handicap) sur lequel nous travaillons depuis 2010, nous avons connecté une machine à commande numérique avec une tablette graphique. Cela permet à nos élèves de lancer depuis une tablette les programmes d'usinage préparés préalablement. Il n’est plus utile de se situer physiquement uniquement dans l’atelier pour fabriquer !
Si depuis la tablette graphique nos élèves peuvent lancer des usinages ils surveillent son déroulement via deux caméras ; une dans la machine à commande numérique et l’autre à l’extérieur. Cette expérience a été exposée par les élèves de première BAC PRO aux responsables d'entreprises industrielles du bassin d'emploi de notre école.
Après l’action, vient le temps de la rédaction. Depuis longtemps, nous exigeons de nos élèves un compte rendu photo et vidéos accompagné de leur analyse réflexive sur l’action. A cet effet, les capacités multimédia des tablettes sont évidement mises à profit.
Nos élèves de première doivent passer, la certification intermédiaire de BEP sous la forme d’un CCF. Nous envisageons de les évaluer en utilisant cet outil.
En effet, nous allons demander à nos élèves de réaliser, au travers de leur projet, la mise en œuvre des machines outils. Ces compétences du référentiel de BEP seront alors sur le point d'être validées et nous leur demanderons de se filmer réciproquement. Preuve par l'image d’une part, nous leur demanderons de mettre en ligne ces vidéos après montage et doublage du son d’autre part, ce qui enrichira la banque de données de mise en ouvre des machines accessible par flash code.
Dans le cadre de l'aide au choix d'orientation des élèves de troisième, nous avons accueilli un collégien handicapé en stage de découverte. (Amputé des deux jambes, la station debout sur prothèses lui est particulièrement pénible). Notre travail est triple :
Notre investissement est, depuis 10 ans, tourné vers la prise en compte de la complexité et la diversité de l'apprentissage chez nos élèves et étudiants. Les TICE enrichissent nos pratiques et améliorent la palette d'outils à disposition, ils façonnent les situations d'apprentissage que nous construisons mais en aucun cas les théories sur lesquels nous bâtissons ces situations.
Ainsi, dans les années 90, avec l'arrivée des commandes numériques et de la CFAO déportée, nous avons observé l'augmentation de la distance physique entre l'élève et le cœur de l'action (zone de contact outil/pièce).
Pourtant les sens (vue, toucher, ouïe, odorat) ont une importance fondamentale dans la mise en place des connaissances et surtout des savoir-faire, au départ pour nos élèves, plus proches de situations affectives que cognitives.
Pourtant, nous avons décidé de vivre ce paradoxe, cette dualité en acceptant cet éloignement. Pour que ce paradoxe puisse être bien vécu, il faut en contrepartie veiller à ce que les élèves aient leurs sens aiguisés.
Notre stratégie pour l'obtenir est la suivante : la mise en place d'une démarche pédagogique de projets individuels ainsi que la recherche du développement des capacités d'abstraction. La mise en abîme que nous provoquons chez l'élève en le plaçant en posture de création de projet fait que le l'objet support du projet vient du plus profond de lui même. Nous nous assurons de deux choses :
Nous observons, en multipliant ces situations, que cette démarche favorise l'attention.
Mais à cela s’ajoute aujourd’hui les tablettes et autres webcam qui augmentent une fois de plus l’éloignement physique entre l'élève et le cœur de l'action.
Malgré cela, un grand nombre d'élèves peuvent désormais visualiser individuellement et en même temps sur leur tablette ce qui se passe au cœur de la machine, tout en étant éloigné du réel ; mais surtout, le développement de la réalité augmentée va bouleverser la donne, nous en sommes convaincus.
En effet, le retour de force ou l’analyse spectrale comme expérience vibratoire de l’usinage, la surveillance infrarouge, d’ultra et d’infra sons comme extension des sens (afin d’appréhender la fatigue des outils), va permettre aux élèves, malgré la prise de distance avec le réel, d’embrasser une somme d’indices sensibles qui iront bien au delà de ce que la pratique antérieure de l’usinage pouvait offrir et viendra compenser si ce n’est dépasser les effets désincarnant de cette prise de distance.
De plus, les process de productions sont aujourd'hui plus complexes et plus vastes (plusieurs machines avec robots etc), et il est nécessaire, pour en prendre connaissance, d'effectuer un recul, un pas en arrière, pour embrasser de manière plus large le fonctionnement d'un atelier, d’une usine. Nul doute que les applications pour support mobile en cours de développement feront parti du panorama usuel des techniciens et ingénieurs à venir et que c’est dès aujourd’hui, au sein de l’école, que cela doit se vivre.
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